Ceci n’est pas une voiture de course. Ce n’est pas non plus une Audi R8. C’est encore bien mieux que cela.
Décrivant une suite d’accords métalliques assourdissants, le V10 atmosphérique hurle sans fin son effort. Les shiftlights qui coiffent l’instrumentation crépitent du bleu au rouge, en passant brièvement par le jaune. Dans la foulée, la mécanique assène une franche tape dans le dos au passage du rapport supérieur. Et rebelote.
Depuis un poste de pilotage où les fesses reposent à hauteur des talons, le regard n’a d’autre choix que de s’élever loin vers l’horizon, à la recherche du moindre interstice au sein du trafic. Un groupe de retardataires grossit d’ailleurs à vue d’œil à travers le pare-brise. Il y a également du monde dans le rétro. Déjà omniprésente, la pression monte encore d’un cran. La calandre béante du poursuivant et néanmoins confrère, armé de la même monture, s’avère si proche qu’elle se glisse dans l’ombre de l’immense aileron arrière tressaillant sur ses mâts au gré des bosses. Les mains se crispent un peu plus sur le demi volant constellé de boutons et molettes cerclés de bagues multicolores.
Soudain, après une suite de courbes et virages négociés en apnée sous le coup des accélérations latérales, la trajectoire idéale chemine vers… un rond-point. La France serait-elle devenue si accro aux carrefours giratoires qu’elle en construit sur ses circuits ?
Pas encore. En réalité, la scène ne se déroule nullement au cœur d’une quelconque arène mécanique, mais bien sur une route ouverte à la circulation. En toute légalité, précisons-le. Vous n’avez donc pas sous les yeux une voiture de course à proprement parler. Pour autant, en dépit des apparences et du badge au bout du capot, il ne s’agit pas non plus d’une familière Audi R8. Plutôt d’une Abt XGT. C’est en tout cas ce qu’il est inscrit sur la carte grise. Car dans la pratique, c’est un peu plus complexe que cela.
La créature hérissée d’appendices aérodynamiques à l’image s’échappe bel et bien, à l’origine, du département compétition-client d’Audi Sport. Il est en l’occurrence question d’une R8 LMS GT2 qui, comme son nom ne l’indique pas forcément aux profanes des catégories GT, s’intercale entre ses sœurs GT4 et GT3.
Autrement dit, une voiture qui s’inspire de la première pour sa facilité de prise en mains, mais affichant une puissance nettement supérieure à la seconde, 640 ch dans le cas présent, afin retenir l’attention des gentlemen drivers. Le concept connaît d’ailleurs son petit succès et permet, depuis une petit poignée d’années, de participer notamment au GT2 European Series, championnat organisé par SRO, promoteur réputé d’épreuves de Grand Tourisme d’envergure mondiale telle que les 24 Heures de Spa.
Mais Abt estimait visiblement qu’il eut été dommage d’en rester là. Le préparateur allemand, dont les activités se partagent principalement entre la compétition (DTM, Formule E, Extreme E…) et la customisation de voitures du groupe Volkswagen, s’est ainsi mis en tête de convertir cette R8 de course à la route, quasi in extenso. Sa botte secrète : opter pour une homologation à titre individuel, au travers d’une série limitée à 99 exemplaires. L’une des conditions étant alors de renommer le véhicule d’un patronyme différent de celui donné par un grand constructeur.
Voilà donc comment se retrouver au volant d’une Abt XGT sur les routes du Var, en dépit de ses dérives proéminentes, d’un volume sonore délirant à l’échappement, plus proche des standards de l’aéronautique que de l’automobile, et de l’absence totale de ceinture de sécurité, au profit de harnais six points.
Sous ce qui semble être une seconde trappe à carburant côté gauche, se cache même la connexion au circuit pneumatique, intact, permettant le levage express de l’auto sur ses vérins. Plutôt que d’énumérer les points communs avec la véritable R8 GT2, noter les rares modifications ira plus vite.
Exit les pneus slicks. Le réservoir de carburant d’origine n’a pas pu être conservé non plus, les ressorts de suspension sont légèrement plus souples, la climatisation inclut une fonction chauffage… Ah oui, et un klaxon fait son apparition au volant, entre le pit limiter et la commande de réglage du contrôle de traction. Au total, la XGT ne s’alourdit que de 50 kg par rapport à son clone dédié à la compétition.
Bref, pas de quoi pervertir cette bête de circuit. Pédale de frein en béton en l’absence d’assistance, direction hydraulique à la lourdeur bienfaitrice et à la texture HD, ultra sensibilité de l’accélérateur, tout ici n’est qu’authenticité et précision. Les Pirelli Trofeo R semi-slicks montés de série laissent également entrevoir un potentiel à peine exploitable en dehors de la piste.
Au cœur cet univers physiquement exigeant, mentalement aussi lorsqu’il s’agit de rester sur la route au volant d’une telle rareté facturée aux environs de 600 000 €, le V10 5.2 paraîtrait presque bienveillant malgré son abondante cavalerie. Le bloc se révèle un rien plus creux que sous le capot d’une R8 GT de la gamme régulière. Ce qu’il est effectivement d’après la fiche technique, au bénéfice de sa domestication par le pilote d’une certaine manière.
A part ça, difficile de ne pas vouloir contredire Monsieur l’agent lors d’un prochain contrôle : « La route n’est pas un circuit. » Oui, mais là quand même, cela y ressemble beaucoup.
L’expression “voiture de course pour la route” est aujourd’hui galvaudée. Sauf au volant de l’Abt XGT.
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Ceci n’est pas une voiture de course. Ce n’est pas non plus une Audi R8. C’est encore bien mieux que cela.
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