Dans la pure tradition des berlinettes V12 affublées du Cheval cabré, le 12Cilindri renonce à la modernité en esquivant l’hybridation. Un anachronisme magistral, capable de surprendre même lorsque nous pensions tout savoir sur de telles mécaniques.
Chez Ferrari, plus que la course à la puissance, c’est la quête d’exceller dans son art qui prévaut. La nouvelle 12Cilindri (se prononce “do-ditchi-cilindri”) en atteste. Celle qui remplace dans la gamme la 812 Superfast ne progresse presque pas en puissance puisque son V12 plafonne à 830 ch. Ses performances sont phénoménales mais sérieusement, qui trouvait que son aïeule manquait de panache ? Quand certaines de ses semblables s’attèlent à déjouer les règles élémentaires de physique pour redoubler d’efficacité, quitte à recourir à l’électrification, cette nouvelle Ferrari joue la provocation en perpétuant les traditions familiales.
C’est en 1947 qu’Enzo Ferrari dévoilait pour la première fois sa vision d’une berlinette à 12 cylindres et étrennait une formule qui n’a depuis presque jamais cessé d’exister dans la gamme du constructeur italien : des lignes spectaculaires, un moteur en position centrale avant et un poste de conduite reculé. “Le V12 restera toujours le moteur original de Ferrari”, prophétisait le fondateur de la marque éponyme. L’avenir lui donnera sans doute tort.
En attendant, la 12Cilindri cultive toujours l’art de la joie. Impossible de ne pas sourire en animant la monumentale pièce d’orfèvrerie logée à l’extrémité du cockpit. Baptisée F140HD, cette mécanique, similaire à celle de la 812 Competizione, se passe toujours de la moindre suralimentation. Bien sûr, les modifications sont nombreuses par rapport à sa devancière. Citons un gros travail sur l’allégement grâce à des bielles en titane, un alliage d’aluminium plus léger pour les pistons ou encore un vilebrequin 3 % moins lourd.
Mais, volant en main, on savoure surtout l’arrivée d’un redoutable système de gestion de couple. Si ce dernier est moins conséquent qu’auparavant (678 Nm, soit 14 de moins), il est à présent géré électroniquement via l’Aspirated Torque Shaping afin de limiter les pertes de disponibilité de puissance entre 2 500 et 9 500 tr/min. Le résultat est sidérant. Une pression franche sur l’accélérateur catapulte l’Italienne dans une cacophonie jouissive. La pression exercée sur la poitrine du pilote ne se relâche que brièvement, à chaque passage de rapport, avant de prendre de plus belle jusqu’à des vitesses délirantes.
Ce couple moteur/boîte, comme toujours prodigieux chez Ferrari, se révèle ici particulièrement heureux. La transmission compte désormais 8 vitesses, une de plus que précédemment, et ces rapports ont été réétagés. La rapidité de passage s’en trouve accélérée de 30 %, d’après la firme de Maranello. À chaque pression sur les immenses palettes solidaires du volant, le moteur aboie littéralement sur les occupants. Mais pour que la magie opère pleinement, il faut avoir préalablement tourné le fameux sélecteur de mode de conduite “manettino”, immuablement positionné sur le volant, sur “Race”, le mode “Sport“ se voulant plus timoré.
Car, dans la gamme, la vraie sportivité est dévouée aux SF90 et 296 GTB. La nouvelle 12Cilindri revendique un certain art de vivre façon Grand Tourisme et, à ce titre, elle sait ménager ses occupants. Malgré ses performances, au-delà du raisonnable, elle accueille un conducteur et son passager dans un confort appréciable. À l’image des autres Ferrari modernes, comme le SUV Purosangue ou l’élégante Roma, l’habitacle dévoile une présentation actuelle, largement confiée à des écrans et une bonne dose de gadgets électroniques. C’est là que le bât blesse puisque nous avons le déplaisir de retrouver les commandes tactiles sur le volant, toujours horripilantes. Mentions spéciales, en revanche, pour le toit vitré qui apporte une belle clarté dans cet intérieur haute couture et ses sièges Sabelt optionnels.
Côté équipement, notre préférence va au système audio. Pas l’autoradio, probablement convenable, mais aux envolées lyriques interprétées par cette diva une fois sur la route. Ferrari a justement retravaillé l’acoustique de son moteur en revoyant entièrement la ligne d’échappement et les conduits d’admission. Ces derniers ont été remodelés et voient leurs résonateurs repositionnés afin d’optimiser les ondes sonores aux bénéfices de la mélodie jouée dans l’habitacle. Avec une telle bande son, difficile de ne pas virer mélomane. Quelle joie !
Ces envolées, le conducteur tarde à s’en lasser. Grisés, on pousse cette 12Cilindri dans les aigus, haut dans les tours. Même les virages les plus serrés n’abrègent pas le récital tant la berlinette efface les courbes. Bénéficiant d’un empattement légèrement raccourci (2 cm), de quatre roues directrices (4WS), d’un châssis en aluminium drastiquement rigidifié (+ 15 % en torsion) et d’excellents pneus spécifiquement développés pour elle, la Ferrari ne laissera aucun gentleman driver sur sa faim. Un rapide tour sur le circuit d’essai de Goodyear au Luxembourg aura fini de nous convaincre.
L’équipementier développe une gomme dédiée sur base de Eagle F1 Super Sport en première monte (il est aussi possible d’opter pour des Michelin). Entre autres spécificités, ces pneus bénéficient de flancs rigidifiés par l’adjonction d’aramide (qu’on utilise notamment pour la fabrication de Kevlar, ndlr) dans leur composition. Bien aidée par un équilibre des masses plus rassurant que celui de la 812 Superfast, la 12Cilindre vire à plat et survire progressivement quand son pilote lui cherche des noises. Un bonheur.
Reste l’épineuse question du style. S’il sert, comme souvent, les performances par le biais de ses nombreuses ouvertures, il conviendra à chacun de faire sa propre opinion. Pour glaner le plus de suffrages auprès d’une riche clientèle, Ferrari a puisé son inspiration dans sa glorieuse histoire en empruntant le fameux “masque avant” de la 365 GTB/4, plus communément appelée “Daytona”. Un clin d’œil rétro qui confère néanmoins à ce missile un côté futuriste. L’arrière participe à ce sentiment de modernité avec sa lunette inclinée peinte en noir, avec sa forme de fusée. Pas de spoiler proéminent pour cette sculpturale berlinette mais des “flaps” inspiré de la F1, joliment intégré au discret spoiler chapotant les feux, qui se lèvent jusqu’à 10° pour maximiser l’appui aérodynamique. Bien sûr, ce concentré du savoir-faire de Ferrari a un coût : environ 400 000 € hors options et… sans malus.
Les traditions ont du bon. Ferrari offre probablement un baroud d’honneur à son 12 cylindres. Plus qu’un hommage, la 12Cilindri est une véritable ode à la joie.
• Ligne sculpturale
• V12 envoutant
• Une GT qui marche fort
• Commandes tactiles au volant
• Dimensions conséquentes
• Prix déraisonnable
Version essayée : 395 000 € (prix des options non communiqués)
À partir de 395 000 €
Conso moyenne constructeur/durant l’essai (l/100 km) : en cours d’homologation/NC
CO2/malus : en cours d’homologation
Puissance fiscale : NC
Pays de fabrication : Italie
Gamme proposée
Essence 830 ch, de 395 000 € à 425 000 € (version Spider)
Moteur : central avant, V12 6.5 l à 65° – Carter sec
Transmission : propulsion, double embrayage à 8 rapports
Puissance maxi (ch à tr/min) : 830 à 9 250
Couple maxi (Nm à tr/min) : 678 à 7 250
Poids à sec (kg) : 1 560
Long.xlarg.xhaut. (m) : 4,73x2,18x1,29
Empattement (m) : 2,70
Réservoir (l) : 92
Vitesse maxi (km/h) : 340
0 à 100 km/h : 2”9
Pneus de série : 275/35 R21 J10.0 ; 315/35 R21 J11.5
Pneus de l’essai : Goodyear Eagle F1 Supersport
Coffre à 2 (l) : 270
Toit vitré : prix NC
Aston Martin Vanquish, prix encore non annoncés
Lamborghini Revuelo, à partir de 506 000 €
Dans la pure tradition des berlinettes V12 affublées du Cheval cabré, le 12Cilindri renonce à la modernité en esquivant l’hybridation. Un anachronisme magistral, capable de surprendre même lorsque nous pensions tout savoir sur de telles mécaniques.
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