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FOOTBALL
GoodMood #1 - L’instant tactique avec Adi Hütter : « Derrière chaque joueur, il y a un être humain »

L’instant tactique avec Adi Hütter : « Derrière chaque joueur, il y a un être humain »

En quelques semaines à peine, Adi Hütter s’est fait une place de choix en Ligue 1. À la tête d’une équipe de l’AS Monaco résolument offensive, l’Autrichien, formé au sein de la Galaxie Red Bull, cartonne pour ses débuts en France. L’occasion d’échanger en tête à tête sur ses inspirations, ses ambitions ou son rapport avec ses joueurs. Entretien tactique avec un véritable passionné.

« Arrigo Sacchi n’était pas un ancien joueur et pourtant il était un entraîneur incroyable. »

GoodMood #1 - « Arrigo Sacchi n’était pas un ancien joueur et pourtant il était un entraîneur incroyable. »
Adi HütterCredit Photo - Icon Sport

Quelle est votre relation au football ? Comment ce sport est-il entré dans votre vie ?

J’ai commencé comme jeune joueur à 7 ans. J’ai toujours rêvé de devenir footballeur professionnel. À 18 ans, j’ai eu la possibilité de devenir pro. Depuis, je baigne dedans, ça fait environ 35 ans. C’est un long moment. Une vingtaine d’années comme joueur, presque une quinzaine comme entraîneur. C’est ma vie. Le football est ma vie.

Combien de matchs par jour regardez-vous ?

Tout le temps, je visionne beaucoup de football, avec mes analystes aussi. Je regarde la Ligue des Champions, les championnats européens, mais aussi les matchs de Monaco. Quand j’étais joueur ? Je regardais aussi, mais il y avait moins de matchs à la télévision. Maintenant, on peut regarder 10 matchs par jour. On doit faire attention à cela, au rythme des rencontres. Sinon, je garde toujours un œil avisé sur le football autrichien et aussi un intérêt marqué pour le football allemand, mais majoritairement, je décortique du football français.

Avez-vous changé votre regard sur le football entre votre période de joueur et celle actuelle de coach ?

J’étais un numéro 8, au milieu du terrain, un joueur central avec une bonne technique. Je courais aussi beaucoup, je marquais même parfois. Quand j’ai commencé à devenir entraîneur, j’étais un coach qui voulait avoir une belle manière de jouer, la possession, je voulais construire de très bas, mais j’ai un peu changé. Je me suis dit qu’il fallait avoir une idée du football quand on a le ballon, mais aussi se fixer un objectif quand l’adversaire a le ballon. J’ai pu travailler avec Ralf Rangnick qui m’a beaucoup appris (ndlr, lors de son passage au RB Salzbourg). En 1992, quand j’étais joueur, j’ai connu un coach venant de Slovénie, Milan Miklavic. Il était un grand fan de l’AC Milan des années 1980. Il jouait un jeu de zones, très intéressant, j’ai été impressionné par cette manière de jouer. Avec Ralf Rangnick, il me disait de penser à savoir ce qu’on devait faire quand on n’avait pas le ballon. Ça a changé un peu ma manière de percevoir le foot. J’aime le football agressif avec des transitions rapides, un jeu vertical, diagonal, mais aussi pratiquer un football inspirant. Ça a évolué durant ma carrière.

Devenir entraîneur, c’était une suite logique après avoir été notamment capitaine ?

À 26 ans, je suis devenu capitaine pour la première fois. J’étais assez jeune, mais j’étais très bon en communication avec les joueurs, les entraîneurs. J’aimais encourager les jeunes joueurs, je commençais à devenir un joueur expérimenté sur cela. J’avais un super bon feeling avec ça. C’est important d’avoir ce leadership quand on devient entraîneur. Ça m’a beaucoup aidé à la fin de ma carrière de joueur. Je savais que je voulais rester dans le monde du football et j’ai commencé à coacher. 

La plupart des entraîneurs sont d’anciens joueurs, trouvez-vous ça logique ? 

Pas 100% le sont, mais ça n’est pas si surprenant. Arrigo Sacchi n’était pas un ancien joueur et pourtant il était un entraîneur incroyable. Mais oui, la plupart des entraîneurs sont d’anciens joueurs. Ça t’aide, car tu es déjà dans le milieu, tu vis football, tu as côtoyé les médias, les staffs, les spectateurs, la pression… Ça paraît plus logique de faire cette évolution.

Voyez-vous un joueur de l’AS Monaco avec les qualités pour devenir entraîneur ?

C’est une bonne question (il marque un temps d’arrêt pour réfléchir). Je ne peux pas être sur à 100%. Vous devez avoir beaucoup de choses pour être entraîneur. Être bon dans la communication, avoir de la personnalité, une idée du football que vous voulez déployer… Certains footballeurs ne veulent pas forcément rester dans le milieu du football. Après trois mois à Monaco, ça n’est pas facile à dire. Je ne sais pas qui est vraiment intéressé par ça.

La Ligue 1 apprend tout doucement à vous connaître, notamment votre fameux système en 3-4-2-1 ou 3-4-1-2. Derrière cette technique, quels sont vos principes de jeu, vos idées ? 

J’ai commencé ma carrière de coach en jouant en 4-2-2-2 avec le RB Salzbourg puis les Young Boys Berne. Ici, je me suis rendu compte que nous avions deux (il se reprend), non, quatre très bons latéraux : Caio Henrique, Vanderson, Ismaïl Jakobs et Krépin Diatta. Ces quatre ne sont pas des défenseurs de côté, ils ont la qualité, l’énergie, la force pour jouer plus haut, faire des aller-retours. À l’Eintracht Francfort, j’ai peu utilisé le même dispositif, car j’avais les joueurs pour jouer dans ce système. J’ai aussi vécu de bonnes expériences avec trois axiaux. Aujourd’hui, Maripan, Singo, Salisu, Matsima et même Zakaria peuvent jouer derrière. On a de brillants récupérateurs : Camara, Fofana, Zakaria, le jeune Edan Diop, et aussi Eliot Matazo. Je remonte les lignes. Nous avons quatre numéros 10 très forts : deux très jeunes, Eliesse Ben Seghir et Maghnes Akliouche, et deux plus expérimentés, Aleksandr Golovin et Takumi Minamino. Enfin, on a des attaquants avec des styles différents. C’est pourquoi, en fonction des adversaires et des joueurs à ma disposition, je peux jouer avec deux attaquants et un numéro 10 ou l’inverse. Il faut savoir être flexible. 

« La formation en France est particulièrement bonne. »

GoodMood #1 - « La formation en France est particulièrement bonne. »
Adi HütterCredit Photo - Icon Sport

Justement, adaptez-vous votre tactique en fonction des joueurs disponibles ou tentez-vous d’insérer des joueurs dans une tactique que vous avez en tête ? 

Je veux être flexible. C’est bien de laisser planer le doute à nos adversaires. Après huit journées, nous avons 10 différents buteurs. Ça montre que tout le monde est flexible dans sa manière de jouer, et que ça n’est pas facile de jouer contre nous, de nous analyser. J’aime ça, car c’est parfois trop facile pour un adversaire de suivre l’attaquant qui a marqué beaucoup de buts, je suis très content de mes joueurs offensifs. Tout le monde apporte sa pierre à l’édifice.

Est-ce votre système favori ?

La question est surtout de connaître la qualité de l’équipe, ce dont quoi sont capables les joueurs, savoir dans quelles positions ils sont le plus à l’aise. Je l’ai appris à Salzbourg. On avait Sadio Mené et Kevin Kampl. On avait des joueurs capables de jouer sur les côtés, mais aussi dans l’axe, marquer des buts. Je me suis dit, « les meilleurs joueurs doivent être sur le terrain ». Avec ça, vous devez créer, en tant qu’entraîneur, le meilleur système. À l’époque, c’était le 4-2-2-2, mais je n’étais pas heureux avec ça jusqu’à trouver la bonne formation.

Est-ce un système risqué ? 

J’entends parfois ça, mais je ne sais pas pourquoi. À la fin, vous avez quoi qu’il arrive trois joueurs derrière. Parfois même cinq quand vous êtes pressé, avec deux numéros 6. Nous défendons en avançant. Tout le monde doit être investi dans la défense. Ça n’est pas une question de système, mais plus de performance sur le terrain. Comment vous êtes dans l’intensité, dans les duels, combien de kilomètres vous courez… Là est la question, pas le système.

Jouer avec deux numéros 10, ça n’est pas forcément commun, mais vous l’aviez déjà fait à Francfort notamment. Avoir beaucoup de joueurs dans le cœur du jeu, c’est votre marque de fabrique ?

Nous avons beaucoup de joueurs qui aiment occuper l’axe, très techniques et tous capables de marquer. Moi, j’ai toujours dit que le but est situé au centre du terrain. Il faut donc jouer au centre du terrain, je n’aime pas jouer trop excentré avec beaucoup de centres. Oui, on a Wissam Ben Yedder très bon de la tête malgré sa taille, nous avons aussi Balogun, mais ils ont des qualités avec leurs pieds et ils marquent dans la surface. Ils aiment jouer de manière verticale. Vous avez aussi besoin de joueurs très bons dans la dernière passe. Akliouche est un joueur incroyable, il peut marquer. Golo (Golovin) idem, Taki (Minamino) pareil. C’est très intéressant et ils aiment cette manière de jouer. Je l’ai fait à Francfort avec Kamada et Amine Younes, tous les deux étaient des numéros 10 qui pouvaient aussi marquer alors que devant, nous avions André Silva, un super buteur. 

Durant la dernière décennie, les grandes équipes misaient plutôt sur le jeu de possession. Ces dernières années, on a vu une évolution vers un football de transition, plus vertical. Est-ce que cela correspond davantage à votre manière de voir le football ?

Quoi qu’il arrive, vous avez besoin de la possession, même si vous la laissez parfois rien que pour respirer un peu. Ce que je recherche, c’est jouer un football inspirant. Cela veut dire : jouer devant, être agressif, avoir un style très actif. C’est ça le football moderne. Quand vous développez juste un jeu de position classique, dans les lignes arrières, avec le gardien, ça ne m’excite pas vraiment. 

Quels sont les coachs qui vous ont inspiré ?

Forcément, Milan Miklavic, qui s’inspirait beaucoup de l’AC Milan. J’ai beaucoup appris grâce à cela. Après, pour moi, le meilleur entraîneur se nomme Pep Guardiola, mais il y en a beaucoup d’autres. Je pense à Jürgen Klopp et son équipe de Liverpool que j’apprécie particulièrement. On a aussi Carlo Ancelotti, complètement différent des deux autres, mais qui a aussi du succès. Il y a beaucoup de chemins pour arriver au succès. Pour un entraîneur, c’est important d’avoir ses idées, apporter sa propre personnalité à l’équipe.

Avez-vous été surpris par la Ligue 1 ?

D’abord, la Ligue 1 fait partie du Big Five. J’aime la manière de jouer de ce championnat. Il y a tellement de jeunes talentueux. Les équipes aiment laisser les jeunes joueurs s’exprimer. Vous voyez souvent de jeunes joueurs passer un cap et signer en Angleterre, en Allemagne. La formation en France est particulièrement bonne. C’est un jeu très rapide, de transition. Il y a de petites équipes qui aiment « garer le bus » comme on dit, mais elles sont très bonnes dans les contre-attaques, donc ça n’est pas facile de défendre. Je suis très impressionné. Ça se rapproche de l’Allemagne plus que de l’Espagne ou l’Angleterre.

Faut-il avoir obligatoirement remporté des trophées pour être un bon entraîneur ? 

On peut évidemment être un bon entraîneur sans avoir remporté de trophée. Ça n’est pas facile d’être au bon endroit au bon moment. Quand vous remportez des trophées, des titres, ça vous amène dans une autre dimension. Mais il y a tellement de bons coachs qui n’ont pas gagné un seul titre… 

« J’essaie d’être un entraîneur qui communique beaucoup. »

GoodMood #1 - « J’essaie d’être un entraîneur qui communique beaucoup. »
Adi HütterCredit Photo - Icon Sport

N’est-ce pas trop difficile de lier ses idées tactiques à la recherche de résultats dans un environnement où les entraîneurs sont mis sous pression ? 

Quand vous signez un contrat, vous avez de grosses chances de finir viré. C’est important de mettre les choses à plat avant même d’arriver : ma manière de jouer, mon idée du football. Je suis heureux d’avoir pu partager une vision commune avec des directeurs sportifs dans ma carrière. C’est une aide fondamentale. Vous perdez tant d’énergie quand vous allez dans deux directions différentes par rapport à la direction sportive. Il faut être clair, que tout le monde aille dans le même sens, soit dans le même état d’esprit, veuille voir le même style de football. Nous (l’ASM) devons nous améliorer sur certains points, mais on est dans la bonne direction, car nous sommes alignés. 

Quel type d’entraîneur êtes-vous au quotidien ? Toujours présent sur le terrain ou vous laissez des séances à vos adjoints pour travailler dans votre bureau ?

Je suis toujours sur le terrain. Toujours. J’ai des assistants fantastiques, une équipe de performance fantastique. Quand je suis arrivé, j’ai été impressionné par les installations, mais aussi par les gens qui travaillent là. Ils sont fantastiques. Ça m’a beaucoup aidé en tant qu’entraîneur étranger. Mais oui, je suis tous les jours sur le terrain. J’essaie d’être un entraîneur qui communique beaucoup. Transmettre mon état d’esprit aux joueurs, analyser le plus possible notre manière de jouer, c’est pour ça que j’en demande beaucoup à mon groupe, car nous avons aussi des objectifs élevés et nous voulons les atteindre.

Vous parlez beaucoup avec vos joueurs en dehors du terrain ?

Évidemment. Quand j’ai démarré ici, l’un de mes premiers objectifs était de créer une bonne relation avec les joueurs. À la fin, vous ne travaillez pas qu’avec des joueurs, car derrière chaque joueur, il y a un être humain. En tant qu’entraîneur, vous êtes aussi un peu psychologue. Je veux créer cette relation spéciale avec eux. Il n’y a pas l’entraîneur d’un côté, les joueurs de l’autre. On travaille entre humains, notre entente est cruciale. Quand vous ne jouez pas bien, vous devez pouvoir échanger avec eux. Ça m’aide beaucoup, c’est la première mission que je m’impose. Ensuite, leur imposer ma manière de voir le football, que ça leur rentre dans la tête, que l’on puisse parler le même football. Vous devez être tacticien, manager, communicant, psychologue… Vous devez faire beaucoup de choses ! Mais j’aime cela.

Est-ce difficile d’être entraîneur avec autant de nationalités dans le vestiaire ?

Non, j’ai déjà eu à gérer ça lors de mon passage au RB Salzbourg. En Allemagne, on avait 13 ou 14 nationalités. Ici, c’est la même chose. J’aime ça. Je me fous d’où viennent les joueurs. Ce que nous voulons, c’est réussir sur le terrain. 

Préférez-vous travailler avec un groupe restreint ou élargi au quotidien ?

Ça dépend en partie de l’intensité de la saison. Pour cet exercice 2023-2024, nous sommes uniquement engagés en Ligue 1. Normalement, je n’aime pas jouer avec 28-30 joueurs. Quand on fait un match à l’entraînement sur grand terrain, il y a au moins huit joueurs en dehors du terrain. Ça peut créer des tensions. Pour la Ligue 1, je préfère avoir un petit groupe, environ 22 joueurs avec trois gardiens. Nous avons un super groupe élite ici à Monaco. On peut aller chercher des joueurs dans ce groupe pour des moments d’entraînement. Ils sont là, ils amènent de la qualité. C’est dans l’ADN du club de faire monter au fur et à mesure les joueurs du groupe élite dans l’équipe professionnelle. 

Vous êtes arrivé à Monaco le 3 juillet. Près de quatre mois plus tard, vous brillez en Ligue 1 et vous êtes considéré comme l’une des équipes développant le plus beau football. Comment expliquez-vous que cela soit allé aussi vite ? Combien de temps un coach a besoin pour véritablement poser son empreinte sur une équipe ? 

Nous avons super bien travaillé lors de la pré-saison. Je suis très heureux avec eux, ils apprennent beaucoup au quotidien sur l’analyse. Ils sont ultra-focus, très concentrés sur la tactique. Je pense qu’ils aiment la manière dont nous jouons au football. Les joueurs offensifs voient qu’ils peuvent marquer beaucoup de buts, que c’est bon pour eux. Le point noir, c’est que nous concédons encore trop de buts. On doit s’améliorer dans cet aspect. On a parfois été malchanceux, contre Lorient ou contre Nice dans le derby. Mais à la fin, nous sommes sur la bonne voie. Quand on parle de football inspirant, nous avons marqué 21 buts et on en a pris 11. Tout le monde peut voir que nous sommes une équipe qui aime aller de l’avant. Mais on a encore énormément de progrès à faire.

Avez-vous senti que quelque chose se passait durant la pré-saison ?

Pour être honnête, quand je suis arrivé, j’ai pu sentir chez les gens du club une certaine déception par rapport à la saison précédente. L’an dernier, ils étaient sur une belle dynamique. Mais sur les sept derniers matchs, ils n’en ont gagné qu’un et ne se sont pas qualifiés pour la Coupe d’Europe. Tout le monde était déçu. Quand on a disputé les premières rencontres, on était tous tournés vers le même objectif : ne pas se retourner, regarder de l’avant et écrire une nouvelle histoire. Un de nos objectifs est d’obtenir une qualification européenne. Rapidement, j’ai vu la qualité. Nous avons recruté de nouveaux joueurs, d’autres caractères. Le mercato était très bon et je suis très heureux de cette équipe.

« La plupart des jeunes joueurs n’ont pas de patience. »

GoodMood #1 - « La plupart des jeunes joueurs n’ont pas de patience. »
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Quel est votre regard sur cette nouvelle génération émergente, notamment à Monaco ?

D’abord, vous pouvez tous voir qu’ils ont une très bonne éducation, qu’ils ont reçu une bonne formation. Ce sont des joueurs typiquement français, bourrés de qualités, avec de la technique et un bon physique. Il faut désormais amener les jeunes joueurs au bon moment dans l’équipe. On a des objectifs élevés, et parmi eux, il y a celui d’insérer ces nouveaux joueurs dans l’équipe. On doit y aller étape par étape, continuer d’obtenir des résultats, tout en intégrant les jeunes joueurs. La chose la plus importante à la fin, c'est la performance. On a des joueurs comme Eliesse Ben Seghir et Maghnes Akliouche qui se battent pour devenir titulaires. Ils amènent de la qualité. Il y a une compétition à l’intérieur de l’équipe, tout le monde veut être titulaire, c’est un combat ouvert. À l’entraînement, ils veulent tous prouver qu’ils méritent. Je n’étais pas surpris qu’un joueur comme Akliouche marque un doublé et fasse une passe décisive face à l’OM, car il était déjà très bon avec les jeunes. Ces dernières semaines, il était dans une forme éblouissante. J’étais sûr qu’il allait être important face à l’Olympique de Marseille.

Est-ce difficile de maintenir une compétition saine au sein du groupe ?

Ça, c’est ma personnalité de dire aux joueurs que c’est un « combat ouvert ». Je cherche de la qualité aux entraînements. Quand on fait des oppositions sur grand terrain, ça nous aide, car il y a de la qualité des deux côtés. Même à l’entraînement, c’est une compétition, mais une bonne compétition. Ça apporte beaucoup à l’équipe. Parfois, un joueur est bon, mais doit attendre. Golovin était suspendu, Minamino était blessé, Akliouche est arrivé avec deux buts et une passe. C’est du top niveau. Jakobs était clairement derrière Caio Henrique, car Caio était fantastique, et il a accepté cela. Mais voilà, avec la blessure d’Henrique, il est là, il est important pour nous. C’est ça la qualité d’une équipe.

Les jeunes joueurs sont-ils plus matures que par le passé ?

Absolument. Quand j’ai commencé ma carrière de joueur, j’avais 23 ans et j’étais le deuxième plus jeune. Ça a beaucoup changé. Dante à Nice est particulier avec ses 40 ans, c’est incroyable. Mais il n’y a pas beaucoup de joueurs de plus de 35 ans. Les entraîneurs n’hésitent pas à lancer de jeunes joueurs. Et pour cela, la Ligue 1 est le championnat idéal. Il y a des joueurs de 18-19 ans déjà prêts. Je suis très impressionné par ça.

Pensez-vous que la France possède le plus gros vivier de jeunes talents ?

Il y a beaucoup de Brésiliens, d’Argentins. Mais les joueurs qui viennent de France sont vraiment au top. Quand Naby Keita a rejoint Salzbourg à 18 ou 19 ans, il venait de Ligue 2 et c’était déjà un super joueur. Manu Koné de Toulouse est arrivé de Ligue 2 au Borussia Mönchengladbach, « top player », Sadio Mané de Metz à Salzbourg… Ce sont des talents incroyables. Il n’y a pas qu’en Ligue 1 où la France a des talents.

Comment protéger les joueurs de cette exposition si rapide ?

La plupart des jeunes joueurs n’ont pas de patience. Ils pensent qu’ils ont le talent et donc qu’ils doivent jouer. Ici, on parle de l’AS Monaco, c’est un club avec une grande tradition. Donc ça n’est pas si facile à 18 ans d’arriver pour jouer titulaire, car il y a d’autres joueurs qui sont déjà là. Et à 25-26 ans, tu n’es pas un vieux joueur. C’est un combat, une compétition, il faut leur apprendre cela aussi. Quand vous allez au Real Madrid, il y a une compétition folle. Il faut donc déjà l’apprendre à un autre niveau, ne pas toujours être dans le onze de départ. Il faut protéger les joueurs. Parfois, certains gravissent deux marches d’un coup pour retomber ensuite. Il faut faire attention, c’est une des parties du métier de coach. Leur donner une grande part de confiance sans non plus les cramer. 

Toujours s’adapter à la nouvelle génération…

Oui, croyez-moi, je suis heureux d’avoir autant de jeunes joueurs à Monaco. Mais je peux vous dire que je déteste dire à certains qu’ils ne commencent pas alors qu’ils ont fait un super entraînement. C’est dur, car ils s’investissent beaucoup et un joueur est heureux quand il joue. Il faut avoir une communication honnête. 

Avez-vous une phrase qui pourrait vous définir en tant qu’entraîneur ?

Je n’aime pas trop parler de moi. Je laisse les autres parler de moi (rires). Que pourrais-je dire ? La chose la plus importante, c’est de réussir. « Tous ensemble » (en Français). Quand tout le monde va dans le même sens, c’est génial. J’ai été dans certains clubs, nous avions différentes visions du football et on perd trop d’énergie dans cela. J’essaie d’être un entraîneur pour remporter des trophées, avec de la personnalité, et que l’on puisse m’identifier à une manière de jouer. 

Pour résumer

En quelques semaines à peine, Adi Hütter s’est fait une place de choix en Ligue 1. À la tête d’une équipe de l’AS Monaco résolument offensive, l’Autrichien, formé au sein de la Galaxie Red Bull, cartonne pour ses débuts en France. L’occasion d’échanger en tête à tête sur ses inspirations, ses ambitions ou son rapport avec ses joueurs. Entretien tactique avec un véritable passionné.

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